Ayutla est une ville désolée, comme la plupart des villes frontières que nous avons traversées.
Désolée de nous voir quitter le Guatemala, je ne sais pas, mais désolée de ses rues sèches et poussiéreuses, de ses habitants au regard anguleux et méfiant, de son allure de garnison saharienne désaffectée, c’est plus probable, et le poste de douane qui s’y trouve et qui permet de passer au Mexique est bel et bien la seule raison qui peut pousser le visiteur à venir ici…
Nous nous empressons d’aller faire tamponner nos passeports et celui de la voiture (son carnet de passage en douane), et filons vers un nouveau monde.

En ce 27 mai 2009, nous entrons donc au Mexique, et nous présentons à la douane. Curieusement, si on nous désinfecte les pneus de la voiture, et si on nous explique que nous ne pouvons pas entrer avec ce melon dans notre glacière, c’est le premier pays depuis le Panama qui, en plein contexte de grippe porcine, ne nous demande rien à propos de notre état de santé, et ce sont les premiers douaniers que nous ne voyons pas porter de masques!
Le lendemain, nous avalons en 10 heures la route qui nous sépare de Palenque (c’est très grand, le Mexique, c’est presque aussi long que l’Inde du nord au sud…), où nous faisons escale pour la nuit. Nous dormons quasiment dans la jungle, à l’entrée du splendide site Maya que nous retournerons voir un peu plus tard… Enfin, nous essayons de dormir en dépit de la chaleur et des berceuses des singes hurleurs…

À Tulum, nous resterons quelques jours au bord de la plage, dans un tout petit lot de bungalows tenus par une famille charmante, et que la grippe porcine a rendu presque gratuit en faisant fuir les touristes… Une merveille nommée ‘Playa Selva’.
Nous en profitons pour aller voir l’ancien port de pêche Maya de Tulum, avec ses pyramides qui se dressent au-dessus de la mer turquoise, pour faire de la spéléologie sous-marine dans les splendides cenotes, et pour faire de belles photos sur la plage avec notre van, que vous pourrez voir dans la partie photos de notre site.
Après ces quelques jours, nous prenons la route plein Ouest direction Mexico City, en repassant par Palenque.
Palenque est un des plus grands sites Mayas découverts à ce jour. Composé d’un palais aux nombreuses cours intérieures, de tombeaux en pyramide, de bâtiments coiffés de ces toits étranges, dont les astronomes se servaient pour suivre le calendrier et déchiffrer le mouvement du soleil. Le site est impressionnant, surplombant une immense vallée, et protégé par ces singes hurleurs qu’on imagine géants à les entendre alors qu’ils sont tout petits.


Il resterait mille structures sous la forêt…
Après cet arrêt fabuleux, nous prenons la direction de San Cristobal de Las Casas, superbe ville coloniale, une des premières de la Nouvelle Espagne, fondée en 1528. Nous y passons quelques jours, le temps de travailler et de faire changer les plaquettes de freins de la voiture, mises terriblement à mal par les routes de la région…

– Nous sommes tranquillement en train de rouler dans le Chiapas, un samedi. Le Chiapas est une région montagneuse peuplée d’indigènes et de zapatistes (voir notes de bas de page). Tout d’un coup, notre van perd énormément de puissance à l’accélération. Nous nous arrêtons. En redémarrant, idem, aucune puissance. Nous voilà bloqués dans un endroit où il ne fait pas bon pique-niquer…

– Nous parcourons le chemin jusqu’à Arriaga à 30km/h en quatrième, sentant le van gémir à chaque instant…

– Nous décidons d’aller au plus vite à Puebla, ville dans laquelle il y a l’immense usine Volkswagen pour tout le Mexique, où nous aurons plus de chances de pouvoir réparer, et ville qui en plus d’être très belle, nous place à deux heures de bus de Mexico, où nous voulons prendre des rendez-vous avec des entreprises.
Fastoche…
Coup de chance, nous avons prévu depuis plusieurs mois de retrouver nos amies en Californie pour deux semaines, deux semaines après notre panne. Celle d’entre elles qui vient de France pourra donc venir avec une pompe à injection que nous rapporterons ensuite au Mexique!
Nous passons les deux semaines suivantes entre Mexico (chez Florian, un ami qui a été un soutien logistique et moral extraordinaire!) et Puebla, entre les rendez-vous avec les entreprises et le van, entre la vie nocturne de Mexico, qui est une véritable rupture dans le rythme de vie que nous avons depuis le début de notre route (nous ne sortons jamais tard le soir), et les rues de Puebla qui se vident passées 20 heures.
Ensuite, nous laissons la voiture au garage pour deux semaines, pour nous rendre en Californie où nous retrouvons celles qui nous sont chères, et de la patience de qui nous espérons ne jamais voir les limites… Deux semaines ‘off’ prévues depuis très longtemps, pour pouvoir nous retrouver, et sur lesquelles nous resterons discrets dans ce carnet. Nous nous contenterons de remercier Cyril et Mélissa, pour les raisons qu’ils savent, et de dire à Pauline, Isabelle et Camille que c’était merveilleux de les avoir avec nous!

Le matin de notre départ de Puebla, tous les garagistes VW sont là, avec leur femmes, pour faire une photo devant cette voiture qui leur a donné tant de difficultés, et ils ne sont pas peu fiers de l’entendre démarrer! Les 300km qui nous séparent de Veracruz seront une formalité.

Notes
Nous entrons au Mexique par le Chiapas, la région du sous-commandant Marcos et le fief des Zapatistes. Région montagneuse, et très pauvre, alors qu’elle recèle de grandes richesses naturelles. Bienvenue au Mexique et ses contradictions : 54% de l’énergie hydro-électrique du Mexique est produite dans le Chiapas, mais en 2000 les deux tiers des habitations du Chiapas n’avait pas l’électricité (ni l’eau courante, d’ailleurs).
Précision historique : Zapata était aux côtés de Pancho Villa un révolutionnaire, assassiné en 1919. – Le sous-commandant Marcos est le porte-parole actuel de l’armée zapatiste de libération formée en 1983, soulevée en 1994, et qui combat pour les conditions de vie des indigènes, leur autonomie politique, et la justice sociale en général, dans un pays qui compte parmi les plus corrompus au monde. Il a par exemple organisé en 2001 une marche pacifique de San Cristobal de las Casas à Mexico. Le sous-commandant Marcos a réussi à se faire un nom sur la scène internationale grâce à ses talents d’orateur et d’écrivain. Il combat également contre l’avènement du capitalisme. Pour comprendre son point de vue, voir une de ses publications, traduite dans Le Monde Diplomatique d’août 1997 : La quatrième guerre mondiale a commencé : ICI
Le Chiapas est la région la plus pauvre du Mexique, il ne faut donc pas s’étonner qu’elle soit dangereuse pour le touriste, et qu’elle soit le berceau de la révolution. Les inégalités de répartition des richesses produisent partout dans le monde les mêmes effets… Elles sont ici manifestes…