Inde – Uttar Pradesh – Octobre 2008
D.light design est une entreprise qui conçoit des solutions d’éclairage pour les populations qui n’ont pas accès à l’électricité.
Contexte
2 milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès à l’électricité. Pour s’éclairer, l’immense majorité de ces personnes utilisent des lanternes à kérosène.
Problème
Les lampes à kérosène ont des effets secondaires qui peuvent se révéler dévastateurs :
Elles provoquent des accidents domestiques et sont dangereuses pour la santé :
– Les enfants ou les adultes peuvent se brûler à leur contact.
– Les lampes restant allumées la nuit peuvent déclencher un incendie, et en hiver, quand les maisons sont totalement fermées, provoquer la mort par asphyxie. Des centaines de familles dans le monde meurent de cette façon chaque année.
– Ces lampes éclairent mal, et les personnes travaillant avec le soir sont exposées à des problèmes précoces de cécité.
– Elles coûtent cher, car il faut acheter le kérosène.
Dans un foyer rural indien dont les revenus sont moyens, on estime que le budget alloué au kérosène des lampes représente entre 2 et 5 $ par mois, uniquement pour l’éclairage’.
– Enfin ces lampes sont polluantes.
On estime à 1,6 milliards le nombre de ces lampes dans le monde, et chacune d’entre elle dégage 1 tonne de CO2 tous les 5 ans. Chaque année, ces lampes dégagent donc dans l’atmosphère 320 millions de tonnes de CO2. Une émission de CO2 comparable à celle émise chaque année par 53 millions de Français.
L’idée
La vision de d.light design est de remplacer toutes les lampes à pétrole du monde par des lampes électriques à recharge solaire, beaucoup moins dangereuses, plus efficaces, moins polluantes et moins chères.
Historique de la création de d.light

Début 2006, les fondateurs constituent une équipe au sein de l’institut de design de l’Université de Stanford, en Californie, afin d’étudier les besoins en énergie dans les pays en développement.
Fin 2006, l’équipe mène une étude d’un an en Asie pour choisir la zone d’implantation.
Début 2007, d.light remporte plusieurs concours de business plans, dont celui de la célèbre Stanford University, et lève ses premiers fonds (250.000$ pour le seul concours de Stanford)
Courant 2007, l’entreprise est incubée (i.e. “hébergée”) à Stanford, et reçoit des financements de la part de très prestigieux fonds d’investissements.
Draper Fisher Jurvetson, Garage Technology Ventures, Mahindra & Mahindra, Nexus India Capital, ainsi que des fonds d’investissement social : Acumen Fund et Gray Matters Capital.
Fin 2007, d.light teste ses premiers produits.
Le choix de la zone d’implantation se porte sur l’Inde, car dixit le PDG Sam Goldman: “If we can do it in India, we can do it everywhere”.
Début 2008, d.light installe son premier bureau de vente à New Delhi, après six mois de démarches administratives pour pouvoir enregistrer l’entreprise auprès de l’administration indienne… La production des lampes est localisée à Shenzen, en Chine.
Les opérations peuvent alors commencer.

Juin 2008, d.light sort sa première ligne de produits officielle : trois lampes : la Nova (ici en photo dans le village où nous nous sommes rendus), la Vega, et la Comet.
Bureau de design aux USA

Par exemple, quand nous les avons suivis, les villageois ont fait constater aux designers
que des moucherons, attirés par la lumière, réussissaient à passer par les grilles d’aération sur les côté de la lampe NOVA, et que du coup la zone entre l’ampoule et la vitre protectrice était remplie de moucherons morts.
que des moucherons, attirés par la lumière, réussissaient à passer par les grilles d’aération sur les côté de la lampe NOVA, et que du coup la zone entre l’ampoule et la vitre protectrice était remplie de moucherons morts.
Ou encore, en arrivant dans le village, nous repérons un carton par terre, au milieu de la rue : un carton d’emballage de lampe d.light. Nous en profitions pour faire remarquer
aux designers qu’il serait intéressant de se demander s’il n’est pas possible de concevoir un emballage avec une seconde utilisation, une fois la lampe déballée ? L’Inde est suffisamment polluée comme cela !
aux designers qu’il serait intéressant de se demander s’il n’est pas possible de concevoir un emballage avec une seconde utilisation, une fois la lampe déballée ? L’Inde est suffisamment polluée comme cela !
Production en Chine
La production se fait en Chine, car le ratio qualité / coût y est optimal pour ce type de produits.
Distribution
La distribution se fait dans des zones différentes avec des partenaires différents :
En zone urbaine et périurbaine, où les produits de d.light fonctionnent bien car les populations ont un meilleur niveau d’éducation et car les coupures de courant sont quotidiennes, d.light a créé des partenariats avec des grands magasins distributeurs de matériel, pour qu’ils référencent leurs produits.
Les consommateurs de ces zones peuvent également être des personnes qui ne peuvent tout simplement pas se payer l’électricité, bien que le réseau soit présent.
En zone rurale, d.light vend ses lampes à des petits distributeurs locaux (les épiceries que l’on trouve dans chaque village, dans lesquelles on peut acheter à peu près tout), qui se chargent ensuite de vendre les lampes aux villageois.
D.light se tient également à la disposition d’ONGs qui souhaiteraient utiliser ses lampes, et a organisé sa distribution pour pouvoir les envoyer partout dans le monde.
Comment atteindre les populations ?
Les consommateurs de d.light sont tous des personnes qui ont un accès limité voire nul à l’électricité. Le remplacement des lampes à kérosène est positif à bien des aspects, mais il existe des barrières à l’achat qu’il faut pouvoir dépasser.
D’abord, le procédé est très souvent inconnu des populations. Un panneau solaire qui charge une lampe, c’est un concept qu’il faut d’abord expliquer aux populations rurales. Il faut bien se représenter ici que les villages n’ont que très peu de moyens de communication qui leur arrivent, et il faut donc à chaque fois se déplacer pour aller expliquer aux hommes de chaque village le fonctionnement des lampes.
Ceci dit, les utilisateurs comprennent très vite.
Ensuite, le principal frein à l’achat est le prix de vente.
Chaque lampe coûte l’équivalent pour une famille de huit mois de kérosène. Au bout de huit mois d’utilisation, l’éclairage devient donc gratuit pour la famille, et le budget alloué traditionnellement au kérosène peut alors servir de complément de revenu.
Mais cela veut également dire qu’il faut effectuer le raisonnement micro-économique d’amortissement de la dépense liée à l’achat de la lampe, et pouvoir sortir d’un coup l’équivalent de huit mois de budget ‘éclairage’, ce qui n’est pas évident.
Du coup, D.light étudie actuellement les moyens de créer des partenariats avec des instituts de micro finance, pour apporter en complément de ses lampes une solution de financement. Un institut de micro finance permettrait en effet aux famille d’échelonner le paiement de la lampe sur plusieurs mois, sans avoir à sortir une trop grosse somme d’un coup pour pouvoir utiliser la lampe.
Une fois ces barrières levées, la stratégie de développement de d.light repose sur le meilleur moyen de communication dans les zones rurales : le bouche à oreille. L’idée est qu’une fois que plusieurs villages dans une zone concentrée auront adopté les lampes solaires, d’autres villages y viendront naturellement, car ils auront vu d’autres personnes s’en servir et les auront entendu en expliquer le fonctionnement.
Quelle garantie pour le consommateur ?
Toutes les entreprises doivent s’assurer que les produits qu’elles vendent fonctionnent bien, et que le consommateur n’a pas perdu au change en les achetant.
Ce suivi des consommateurs devient crucial quand une entreprise capte une part significative du revenu d’un ménage à la base de la pyramide économique. Elle doit en acquérir la légitimité.
Les lampes d.light sont garanties deux ans, et immédiatement remplacées en cas de non fonctionnement. Ainsi, les familles sont assurées de ne pas être lésées. Nous avons assisté nous mêmes au cas d’un utilisateur qui se plaignait que sa lampe ne se chargeait pas, et les équipes de d.light ont immédiatement lancé la procédure de remplacement.
Difficultés principales rencontrées
L’enjeu principal d’un projet comme celui de d.light est d’arriver à concilier qualité et accessibilité. Le cœur du système est là, car des lampes de mauvaise qualité feraient perdre à d.light toute sa légitimité à s’adresser aux populations du bas de la pyramide économique. C’est pour cela qu’une très grande importance est donnée au design et aux études terrain.
Un autre défi à relever pour un tel projet est de parvenir à mettre en place une logistique efficace dans un pays tel que l’Inde, où les transports et la législation sont toujours déroutants, surtout pour atteindre les populations rurales.
D.light s’est vu par exemple une fois refuser un envoi urgent à l’aéroport de Delhi, parce que les douaniers ont expliqué qu’il n’était pas autorisé de faire voyager des batteries et des lampes dans le même carton…
Enseignements
– La conception du produit est optimale quand elle s’alimente en permanence des expériences terrain.
– Un solide partenaire local indispensable pour la distribution.
– La micro finance a un rôle clé à jouer.
Sources
Étude terrain menée par Latitude Responsable à l’extérieur de New Delhi, Inde
Interview de l’équipe d.light design à New Delhi, Inde.
Rapport Next Four Billion, IFC – World Ressource Institute, 2005
Rapport PNUD : Les entreprises face aux défis de la pauvreté, des stratégies gagnantes, Juillet 2008.
Interview vidéo de Sam Goldman, fondateur de d.light design.
Page de Sam Goldman, Blog SocialEdge.