Bogra – Bangladesh, Décembre 2008
Grameen Eye Care est une entité de Gramen Health Care Services, créée par le Professeur Yunus, et dont l’objectif est de donner accès aux populations démunies à des soins élémentaires, tout en rentable donc durable.
La priorité de Grameen Eye Care est d’opérer un maximum de personnes atteintes de la cataracte (maladie très fréquente dans les campagnes indiennes et bangladeshies) et incapables à présent de bénéficier d’une telle opération faute de places dans les hôpitaux, et faute de pouvoir la financer.
La seconde priorité, grâce à des auscultations et des paires de lunettes à moindre cout, est de limiter le déclanchement de cette maladie chez les patients.
Le problème
La cataracte est la première cause de cécité dans le tiers monde : elle est responsable de près de 40% des 37 millions d’aveugles de par le monde. Il s’agit donc d’un problème de santé publique majeur dans ces pays, d’autant que le traitement est connu et son application n’est limitée que par le problème de coût.
Les facteurs favorisants en sont la malnutrition, la déshydratation, l’exposition au soleil. Elle survient alors chez le sujet relativement jeune. Dans les pays « riches », la cataracte est majoritairement observée chez la personne âgée.
Les problèmes que cela entraine : Le vieillissement du cristallin entraîne une opacité qui altère de plus en plus la vision de la personne touchée : sensation de flou, éblouissements, perte de l’éclat de couleurs, vision de loin dédoublée…
Ces victimes de la cataracte, en perdant la vue, perdent la capacité de travailler, et donc de générer un revenu pour la famille. Et plongent d’avantage dans la pauvreté.
Les problèmes de vue constituent l’enjeu majeur dans le domaine de la santé au Bangladesh. 1 million de personnes atteintes par la cataracte, et chaque année voit 200.000 patients supplémentaires, pour une capacité d’opération totale du pays de 120.000 personnes.
Aujourd’hui, ce sont 800 000 habitants atteints de la cataracte qui ne peuvent se faire soigner faute de place et/ou de moyens.
La solution
1/Guérir :
La chirurgie constitue le seul moyen d’améliorer la vision d’un patient.
L’opération de la cataracte consiste à extraire le cristallin de l’œil et à glisser un implant ou uen lentille dans l’œil. Cette opération coute extrêmement cher : dans les pays développés, entre 600 et 2.000 € et dans les PED entre 50 et 100 €.
Grameen Eye Care permet aux patients les plus pauvres de bénéficier de cette opération pour l’équivalent de 12 €. Ainsi cette opération est accessible aux populations les plus démunies, et également aux plus reculées car l’hôpital organise des tournées dans les villages, sous forme de camps, pour faire des tests, détecter les malvoyants et les prendre en charge.
2/ Prévenir :
Grameen Eye Care ne se contente pas uniquement de rendre accessible l’opération de la cataracte, mais propose un ensemble complet de soins liés à la vue.
Le personnel de cet hôpital dispense des tests ophtalmologiques, des diagnostics, des préconisations et sensibilise les habitants dans les campagnes.
Ainsi pour 0,5 €, n’importe qui peut bénéficier de 3 diagnostics oculaires. Dans les autres hôpitaux, cela aurait coûté 4€. Quant aux paires de lunettes administrées, les prix varient entre 1 et 7 euros !
Le Business Model
L’objectif est d’abord d’être accessible (partout), et ensuite abordable en prix (pour tous).
Le prix, et la stratégie ‘Robin des bois’
La stratégie première de GEC est de compenser la perte de profit occasionnée par les opérations à perte des plus démunis par celle des plus riches. Il s’agit de la stratégie « Robin des Bois », prendre aux riches pour donner aux pauvres.
Ce modèle a été initié dans le secteur par l’Aravind Eye Hospital, en Inde : ceux qui peuvent payer financent les soins gratuits des plus pauvres, tout en sachant que les riches payent tout de même moins cher la même opération chez Grameen Eye Care que dans un autre hôpital. Il ne s’agit pas de compter sur l’esprit charitable des riches, mais de faire en sorte qu’eux aussi aient un avantage à venir chez Grameen Eye Care.
Le volume d’opérations : dégager du temps pour les médecins
Comme dans beaucoup de modèles ciblant les marchés à la base de la pyramide. Grameen Eye Care joue sur l’effet de volume.
Pour maximiser le nombre d’opérations, la méthode d’opérations de la cataracte à été repensée. Du personnel paramédical a été formé à faire 70% du travail requis dans chaque opération, et du coup les médecins titulaires dégagent du temps pour s’occuper de plus de patients.
Les chirurgiens s’occupent uniquement d’insérer la lentille. Le travail se fait en moins de 15 minutes ! Toutes les autres tâches sont réalisées par du personnel bien moins qualifié. Cela permet de gagner un temps inestimable, et de limiter les couts de l’opération.
Le prix de l’opération
Habituellement, pour réaliser l’opération de la cataracte, les chirurgiens bangladeshis doivent acheter à des prix prohibitifs (autour de 150$) des lentilles aux quelques multinationales américaines se partageant le marché.
Inspirés par le Modèle d’Aravind Eye Hospital, Grameen Eye Care achète ces lentilles à des fournisseurs indiens, dont le plus connu est Aurolab, pour seulement 4$. (En
1992, David Green, un californien partenaire de l’hôpital Aravind Eye Care, en Inde, achète les méthodes de fabrication de ces précieuses lentilles, et développe Aurolab, une
entité indépendante de l’hôpital, afin de produire les lentilles en Inde et de les vendre le moins cher possible)
1992, David Green, un californien partenaire de l’hôpital Aravind Eye Care, en Inde, achète les méthodes de fabrication de ces précieuses lentilles, et développe Aurolab, une
entité indépendante de l’hôpital, afin de produire les lentilles en Inde et de les vendre le moins cher possible)
Résultats
L’hôpital est de petite taille : 1300 m2 dédiés à l’opération de la cataracte.
Depuis le mois de Novembre 2007, l’hôpital a accueillit 25.000 patients, et effectué plus de 1000 opérations. En 2009, l’hôpital fonctionnera à pleine capacité avec 5
ophtalmologistes et 25 assistants, ce qui permettra de traiter 50.000 patients et de réaliser 10.000 opérations par an.
ophtalmologistes et 25 assistants, ce qui permettra de traiter 50.000 patients et de réaliser 10.000 opérations par an.
L’hôpital ne réalise pas encore de profits, mais ce n’est que l’histoire de quelques mois. Ce modèle est conçu pour être viable dès la deuxième année.
Par la suite, l’ensemble des profits sera réinvesti de trois façons :
– amortissement des investissements pour l’hôpital,
– construction d’un autre hôpital (déjà en cours),
– gratuité des soins et opérations pour les habitants en
situation d’extrême pauvreté. (300 patients ont déjà bénéficié des soins et opérations gratuits. À terme, l’hôpital vise la gratuité pour 10% des patients.)
situation d’extrême pauvreté. (300 patients ont déjà bénéficié des soins et opérations gratuits. À terme, l’hôpital vise la gratuité pour 10% des patients.)
Potentiel
En Inde, le modèle d’hôpitaux Aravind Eye Care, précurseur de Grameen Eye Care, permet d’ausculter 1,4 millions de patients chaque année, et d’en opérer 350 000, par hôpital (30% payants, 70% gratuits). Un centre de recherche et développement a été créé et 20 à 25 camps sont organisés chaque semaine pour prévenir et soigner dans les zones
rurales.
rurales.
Sources
Visite de l’hôtpial Grameen Eye Care à Bogra, Bangladesh, Décembre 2008.
Entretien avec M. Imamus SULTAN, Directeur de Grameen Health Care Services Ltd, à la Tour Grameen à Dacca, Bangladesh.